Mercredi midi, je croyais accompagner Do à Eurasie pour lui montrer quels ingrédients choisir, les rapporter chez elle et lui cuisiner quelques spécialités du Sichuan. Pis on s'est dit "Faire les courses le ventre vide, c'est pas une bonne idée. Et ça sent bien bon par ici".

Et ça a été la première fois que j'ai mangé un bon Pho à Bordeaux, ma propre 故乡 terre natale!

Visiblement, l'endroit est connu : deux longues files d'attente se répartissent entre deux vitrines. Celle des  "menu du jour" qui offre un choix limité pour un prix qui ne l'est pas moins : 7,25 € pour entrée, plat + riz ou nouille, dessert et boisson. Et l'interminable vitrine des "plats au choix, bo bun et Bahn Xeo". Enfin tout au fond, le coin Pho a droit à une véritable cuisine pour lui tout seul, avec son propre guichet devant lequel les amateurs attendent patiemment leur tour sans se bousculer.

Au premier abord, c'est un peu rebutant : la vitrine expose une profusion de plats préparés style "boeuf au basilic" et "poulet aux champignons noirs" fadasses pour occidentaux aux palais timides ; de même, une variété innombrable de nems, beignets et bouchées vapeur sans personnalité. Heureusement, il y a aussi le coin Bo Bun et le coin Bi Bun, avec de beaux ingrédients joliment disposés et prêts à assembler. Et des Bahn Xeo très honorables déjà nichés dans leur boîte à emporter.

La menthe, les cacahuètes et la sauce sont à part, la préparation est vite faite et on attaque. Bien sûr, ce n'est pas le meilleur que j'aie mangé, car il avait été fait d'avance et réchauffé, donc texture un peu caoutchouteuse. A part ça, garniture parfaite de crevettes, porc et germes de soja, salade et menthe frais à souhait : pour 6 Euros mangé sur place, je dis que c'est une adresse à noter!

Comme on mourait de faim, on a aussi pris quelques amuse-bouche : deux samossas boeuf piquant et quelques saucisses lao à gober

Les saucisses lao sont fondantes et parfumées, de vrais petits bonbons de viande, rien à redire. Et rien à vous dire sur les samossas, on n'avait plus assez faim pour y toucher, Do les a emportés chez elle, et depuis, je n'ai plus de nouvelles. Je ne sais pas si je devrais m'inquiéter plus que ça?

Enfin, la pièce maîtresse du repas, c'est ce magnifique bol de Pho Bo.

 Il se mérite par l'obligation de faire une fois la queue à la caisse pour acheter un ticket, puis une deuxième fois la queue devant le guichet où il est préparé et servi devant nos yeux. Une dame dont l'âge mûr contraste avec la jeunesse du reste du personnel est à l'oeuvre : tenant un bol à la main, elle va d'abord le garnir de pâtes, puis de viande cuite, de viande crue, de fines herbes coupées, d'une cuillère de pâte de piment à l'huile et elle finit son parcours devant deux immenses marmites où mijote le bouillon. A chaque fois qu'elle verse boulettes et bouillon dans le bol, le parfum se dégage et vient faire tressaillir les narines des clients qui attendent patiemment leur tour. Ha, je ne peux pas retenir un soupir d'aise et une exclamation "hm, ça sent trop bon!". Le jeune homme devant moi est un habitué, un vietnamien qui me dit avec un accent bordelais épais "ha oui, ça sent bien bon, hein. C'est le meilleur rapport qualité/prix de Bordeaux. Même, en ville, y'a nulle part pour en manger d'aussi bon".

Il est devant moi, il empoigne son plateau et me précise en partant que le Bo Bun est bon, aussi ; pas de chance, faudra revenir.

Parce-que ce Pho, c'est un vrai un bon, un comme ma grand mère m'en aurait fait si j'avais eu une grand mère vietnamienne. Et pour 6,95 € moi, je dis, merci!

Toutes les infos pratiques sur la carte

Reste un mystère : pourquoi le nom et la décoration sont-ils d'inspiration Thaï, alors que l'accent est mis sur des spécialités vietnamiennes? Entre ça et la nécessité absolue de goûter le Bo Bun, j'ai pas fini de me ruiner en TGV!